Le gouvernement burkinabè a suspendu jusqu’à nouvel
ordre la diffusion des programmes de Radio France Internationale (RFI).
Reporters sans Frontières (RSF) dénonce un coup porté au droit à
l’information.
Des millions d’auditeurs sont privés de leur droit à
l’information. Le 3 décembre 2022, le gouvernement du Burkina Faso a ordonné la
suspension de la diffusion des programmes de RFI sur tout le territoire
national.
“Cette suspension porte atteinte à la liberté de
l’information et au droit de millions de Burkinabè d’y accéder. La crise
sécuritaire que traverse le pays ne doit pas être un prétexte pour empêcher les
journalistes de la couvrir en toute responsabilité et indépendance. Nous
appelons les autorités à revenir sur leur décision au nom du droit du public à
des informations plurielles.” (Le
directeur du bureau Afrique de RSF, Sadibou Marong).
Dans un communiqué daté du 3 décembre 2022 et signé par son
porte-parole, le gouvernement accuse RFI d’avoir relayé un “message
d'intimidation des
populations attribué à un chef terroriste”, et d’avoir repris, dans une revue de presse du 2
décembre, “une information mensongère”, selon laquelle le président de
la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, aurait assuré avoir été visé par
une tentative de coup d’Etat.
La direction de RFI a déploré cette décision et
s’est élevée contre les “accusations totalement infondées mettant en cause le professionnalisme de ses antennes”. La Société des journalistes du média rappelle que “les
priorités de RFI sont, et ont toujours été, la pluralité des points de vue et
des personnes à qui elle donne la parole, de même qu’un travail de terrain fidèle,
scrupuleux, et un attachement sans faille à la liberté d'informer.”
Le CSC, seul régulateur des médias
Cette suspension est critiquée par plusieurs
observateurs au Burkina
Faso qui estiment qu’elle viole la loi. En effet, en tant que régulateur des médias,
le Conseil supérieur de la communication (CSC) a, selon la loi, la “prérogative
exclusive” de suspendre ou de sanctionner un média. La loi oblige
d’abord le CSC à adresser une mise en demeure au média après une audition sur “la
présomption de défaillance”, avant “toute sanction qui devient l’ultime
décision”. Le gouvernement burkinabè n’a pas respecté cette
procédure.
Le CSC est chargé d'assurer le respect de l'éthique
journalistique, de promouvoir la liberté d'expression et de protéger l'accès
des médias aux sources d'information. Mais aujourd’hui son fonctionnement
est bloqué, car le chef de l’État n’a pas encore signé le décret confirmant son nouveau président dans ses fonctions.
RSF appelle les autorités à remédier à cette situation en le signant sans délai.
Cette suspension de RFI s’inscrit dans un
contexte d’augmentation des menaces contre les journalistes dans le pays. L’ancien rédacteur en chef du journal privé l'Événement,
Newton Ahmed Barry, a d’ailleurs fait l’objet de nouvelles menaces de
mort le week-end dernier, pour avoir dénoncé cette suspension. En juin dernier,
le journaliste avait été menacé sur un enregistrement audio diffusé sur les réseaux
sociaux, le traitant de "terroriste" qui "ne mérite pas de
vivre".
Le Burkina Faso se situe à la 41e place sur 180 pays
au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.
Sadibou MARONG
Directeur
Afrique de l'Ouest / West Africa Director
REPORTERS SANS FRONTIERES / REPORTERS WITHOUT BORDERS
(RSF)