Le ton se durcit. Le KORAG, l'un des organes suprêmes de l'Exécutif burkinabè, vient de lever le voile sur un nouveau front dans la lutte contre la corruption. Il a révélé, ce 12 novembre, un réseau présumé de corruption mêlant douaniers et magistrats.
L’affaire débute en mai
2021. Selon les investigations de l’Autorité supérieure de contrôle d’État et
de lutte contre la corruption (ASCE-LC), plusieurs agents des douanes auraient
exigé des sommes d’argent à des transporteurs pour laisser passer leurs
camions, alors même que les dédouanements étaient réguliers. Des inspecteurs et
contrôleurs, en poste à la Coordination nationale de lutte contre la fraude,
sont directement visés.
Des perquisitions permettent
la découverte de "fortes sommes d’argent" dans leurs bureaux et
domiciles. Douze témoins, transporteurs et commerçants, confirment avoir versé
entre 100 000 et 150 000 F CFA sans quittance. Des vidéos et photos prises par
des enquêteurs infiltrés montrent les agents en flagrant délit. Malgré ces
éléments, la justice s’enlise.
En juillet 2024, le juge
d’instruction du pôle économique et financier prononce un non-lieu. Les preuves
sont pourtant nombreuses, les aveux formels. Le procureur du Faso fait appel,
espérant que la chambre d’instruction de la Cour d’appel corrige la décision.
En vain. En août 2025, la juridiction supérieure confirme le non-lieu,
ignorant, selon le KORAG, la matérialité des faits et la concordance entre
images et témoignages.
Le scandale prend alors une
tournure "explosive". Des mis en cause obtiennent illégalement
l’identité des dénonciateurs et certaines pièces de procédure. Une
"violation grave" du secret de l’enquête, qui expose les témoins Ã
des représailles. L’un des douaniers cités attaque même son dénonciateur en
justice, avec le soutien d’un juge soupçonné d’avoir été corrompu.
Face à ces dérives, les
autorités contre-attaquent. Une vague d’interpellations secoue la Cour d’appel
de Ouagadougou. Dix magistrats, dont un président de chambre, un procureur
général, des substituts et un juge d’instruction, ainsi qu’un avocat, sont mis
en cause. Les auditions menées en octobre 2025 révèlent, selon le KORAG, un
réseau d’influence et de corruption ayant biaisé l’enquête et protégé les
douaniers.
Le communiqué accuse une
partie de la justice d’avoir trahi sa mission morale. Lenteurs, favoritisme,
concussion, absentéisme : autant de maux qui sapent la confiance des citoyens.
Le gouvernement assure vouloir « moraliser la vie publique » en commençant par
le système judiciaire, décrit comme un maillon essentiel de la refondation de
l’État.
Les autorités dénoncent
aussi les « manipulations médiatiques » venues, selon elles, de certains
organes de presse occidentaux, accusant le Burkina Faso d’avoir arrêté des
magistrats pour des raisons politiques. Le KORAG rejette ces accusations et
affirme que la lutte contre la corruption se poursuivra "sans
favoritisme".
Cette opération marque une
nouvelle étape dans la guerre déclarée aux pratiques illégales. Après les
campagnes de dénonciation publique et les journées d’engagement patriotique, le
pouvoir veut désormais frapper au cœur du système judiciaire, accusé d’être un
frein à la refondation nationale.
Les sanctions disciplinaires et judiciaires sont annoncées comme inévitables. « Aucune faveur ne sera accordée à personne », martèle le communiqué.
A. Touré
LEGENDE :
Le Capitaine Azaria Sorgho, porte-parole du KORAG/©DR
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