Rebondissement dans l’affaire CIMFASO : Inoussa Kanazoé mis en accusation pour complicité de blanchiment de capitaux sur un montant de 12 milliards de francs CFA.

actualite

Rebondissement dans l’affaire CIMFASO : Inoussa Kanazoé mis en accusation pour complicité de blanchiment de capitaux sur un montant de 12 milliards de francs CFA.

  • 0FCFA

L’affaire semblait avoir été étouffée par un lourd silence. Mais voilà qu’elle rebondit ! Le pourvoi introduit par le richissime homme d’affaires Inoussa Kanazoé à la Cour de cassation, suite à l’arrêt rendu, en février 2019, par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Ouagadougou, a été déclaré «irrecevable» le 22 avril 2021. Le patron de la Cimenterie du Faso (CIMFASO) devra donc répondre de ses actes présumés. L’arrêt de mise en accusation et de renvoi s’apparente à un gros marteau qui plane sur sa tête : il est accusé de complicité «dans la commission des faits de faux en écritures privées de commerce par surfacturation ou falsifications». Mais également pour complicité de «blanchiment de capitaux portant sur la somme d’environ douze milliards (12 000 000 000) FCFA».

L’homme d’affaires a dû sursauter, le 22 avril dernier, lorsque la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu son arrêt. Il avait espéré, de tout son être, que cette Cour remette fondamentalement en cause, ou annule complètement, la «décision» rendue par la Chambre d’accusation. Mais c’est peine perdue. Selon les juges de la Cour de Cassation, le Code de procédure pénale est suffisamment clair en la matière: le pourvoi aurait été reçu si la Chambre d’accusation avait rendu «un arrêt définitif sur le fond». Or, cet arrêt, «en infirmant partiellement l’ordonnance du juge d’instruction et en renvoyant les prévenus devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel pour y être jugés, ne met pas fin à la procédure». Les juges ont donc déclaré «irrecevable» le pourvoi en cassation introduit, en mars 2019, par Kanazoé et cinq autres personnes empêtrées dans cette affaire. La Chambre d’accusation, par arrêt N° 140 du 28 février 2019, avait prononcé «la mise en accusation de Kanazoé Inoussa, Kaboré Inoussa (DG de CIMFASO au moment des faits), Tapsoba Poko, Kaboré Seydou, Vincent Ilboudo et Herman Kaboré». Et avait renvoyé chacun d’eux «devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou pour y être jugé conformément à la loi». Selon cet arrêt, des «charges suffisantes» pèsent sur Inoussa Kanazoé : «Complicité de faux en écriture de commerce et complicité de blanchiment de capitaux». Le grand patron de CIMFASO est précisément accusé «d’avoir été complice de Kaboré Inoussa et de Tapsoba Poko (…) soit en les assistant ou en les aidant, soit en ne les dénonçant pas, soit enfin, en leur fournissant les instruments ayant servi à la commission des faits». Et ce n’est pas tout. Il est également plongé dans les eaux troubles de blanchiment de capitaux. La Chambre d’accusation indique, dans son arrêt, qu’il y a des charges suffisantes contre lui. Kanazoé est notamment accusé «d’avoir été complice de Kaboré Inoussa et de Kaboré T. Herman dans la commission des faits de blanchiment de capitaux portant sur la somme d’environ douze milliards (12 000 000 000) FCFA (…)». L’ex-DG, Inoussa Kaboré, lui, ploie sous le lourd fardeau de «faux et d’usage de faux en écritures de commerce et de blanchiment de capitaux». Charges suffisantes également contre le déclarant en douane, Herman Kaboré, pour «blanchiment de capitaux et usage de faux en écriture de commerce». Et ils ne sont pas seuls sur la liste. Poco Tapsoba, gestionnaire de la société Kanis International et dont Inoussa Kanazoé est le grand patron, devra répondre des faits de «faux en écritures privées de commerce». Dans les chefs d’accusation, trônent également des faits «d’usage frauduleux de numéros IFU», indique l’arrêt rendu par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel. Là, c’est un transitaire, Vincent Ilboudo, qui est directement visé. Un autre acteur, trempé dans cette affaire brûlante, Seydou Kaboré, devra également s’expliquer devant les juges. Il est accusé de «complicité d’usage frauduleux de numéros IFU». La Chambre d’accusation a même décerné «à l’encontre de chacun d’entre eux une ordonnance de prise de corps».

L’affaire a été ébruitée par notre journal en janvier 2017. Il a mis à nu le contenu d’un rapport d’expertise réalisé sur la gestion financière et comptable de CIMFASO.  Ce rapport, déposé au Tribunal de commerce de Ouagadougou, et qui était, jusque-là, tenu secret, révèle des surfacturations s’élevant à plusieurs milliards de francs CFA. Surfacturation très accentuée au niveau des contrats d’achat de matières premières entre CIMFASO et la société de droit suisse, MIXTA Négoce. Voici le manège tel que décrit dans le rapport : la société MIXTA Négoce (dont Kanazoé est actionnaire majoritaire) reprenait, à son compte, les factures d’achat des matières premières émises par les fournisseurs réels. Elle adressait ensuite à CIMFASO une nouvelle facture avec augmentation du prix d’achat. Mais au moment de dédouaner la matière première, la nouvelle facture émise par MIXTA Négoce est dissimulée. C’est plutôt la facture du fournisseur réel qui est utilisée. Selon le rapport d’expertise, le montant de ces surfacturations est énorme : près de six milliards de FCFA. Et ce n’est pas tout. De fortes surfacturations ont été relevées dans la relation entre la société KANIS Logistique, chargée du transport de la matière première, et CIMFASO. Montant : 778 662 450 FCFA. Dépenses «insuffisamment justifiées ou non justifiées» également à travers un accord verbal, empreint de pratiques louches, entre CIMFASO et la société CGC (qui a assuré les travaux de construction de l’usine de CIMFASO). Le montant en cause est de 1 043 787 972 FCFA. Le rapport évoque un autre montant (4 517 745 867 FCFA) correspondant, dit-on, à des ristournes, des avoirs et des subventions visiblement couverts par une grosse opacité. D’autres pratiques, aussi graves les unes que les autres, apparaissent dans le rapport d’expertise. Deux gros perdants dans cette affaire : la société CIMFASO dont certaines personnes, en interne, voulaient visiblement «pomper» les ressources financières pour leur propre profit et l’Etat burkinabè complètement floué.

Lorsque le journal parait, le Procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou se saisit de l’affaire. Il décide d’y voir plus clair. Le 3 février 2017, il saisit le Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Ce dernier adresse, le 7 mars 2017, un «soit-transmis» à la Compagnie de gendarmerie du Kadiogo. Et voici l’enquête qui commence. Le PCA, le DG et d’autres personnes, tous soupçonnés d’avoir trempé dans ces pratiques aux odeurs nauséabondes, sont interpelés le 19 avril 2017. Mais ils seront par la suite libérés sous caution. Les enquêteurs ne lâchent pas pour autant l’affaire. Le dossier atterrit sur la table d’un juge d’instruction. Ce dernier, après investigation, rend son ordonnance. Le grand patron de CIMFASO, Inoussa Kanazoé, a dû sabler le… champagne ce jour-là ! Au moment où certains acteurs clés de cette affaire, notamment le DG et bien d’autres, sont dans le pétrin.  Selon l’ordonnance, il y a insuffisance de charges contre Kanazoé dans le «jeu de massacre» qui se tramait sur le dos de CIMFASO et de l’Etat. De grosses zones d’ombre planent alors sur l’ordonnance rendue par le juge d’instruction.

Certains individus, pris dans la nasse du juge, font appel de la décision. Et là, d’étape en étape, le dossier atterrit à la Chambre d’accusation. A ce niveau, la donne change. L’espoir du richissime homme d’affaires, qui avait bénéficié d’un non-lieu, se défait à vive allure. Kanazoé est à nouveau dans le dossier. La Chambre d’accusation, selon la formule du double degré de juridiction, exerce un contrôle sur «l’entier dossier de l’instruction». Et lorsqu’elle rend son arrêt, en février 2019, le verdict est cinglant pour l’homme d’affaires. Morceau choisi : «Attendu que dans le cas d’espèce, il a été retenu contre Kaboré Inoussa, Directeur général de la société CIMFASO, charges suffisantes du chef de faux en écriture de commerce correspondant au fait de faire endosser par MIXTA Négoce des factures des vrais fournisseurs de matières premières entrant dans la composition du ciment, puis de les présenter à CIMFASO avec un prix majoré qui  à son tour et les sachant non conformes et n’émanant pas des véritables fournisseurs, les insère dans sa comptabilité pour paiements ; que la société MIXTA Négoce, société de droit suisse à qui Kaboré Inoussa faisait endosser les fausses factures, appartient au président du conseil d’administration de la société CIMFASO, en la personne de Kanazoé Inoussa ou du moins à 90% des actions ; qu’ainsi, les paiements de ces fausses factures par la société CIMFASO à la société MIXTA Négoce constituent pour la société CIMFASO des sorties de sommes d’argent importantes justifiées par de fausses factures et profitent à Kanazoé Inoussa en tant que propriétaire ou en tout cas actionnaire majoritaire de la société MIXTA Négoce, qui s’enrichit par les dividendes qu’il perçoit ; que de la sorte, l’origine frauduleuse de  cette richesse est camouflée par le fait que cette richesse provient d’un circuit tout à fait légal… ».

Et ce n’est pas tout : «Attendu que le juge d’instruction dans son ordonnance conclut à l’inexistence de charges contre Kanazoé Inoussa du chef de blanchiment de capitaux ; Attendu cependant que Kanazoé Inoussa, en sa qualité de Président du Conseil d’Administration de CIMFASO et actionnaire majoritaire de la société MIXTA Négoce, ne peut en aucun cas être étranger à de tels agissements qui lui rapportent énormément ; Que s’il peut lui être concédé le fait de n’avoir pas directement commis ces actes de blanchiment, il est inconcevable par contre d’admettre qu’il ait profité inconsciemment du bénéfice de cette infraction ; Que les hypothèses les plus plausibles sont, soit qu’il a instruit son DG d’aller dans ce sens, soit qu’ayant découvert de tels actes frauduleux, il n’a entrepris aucune action pour y mettre fin, ce qui, au sens des dispositions des articles 59 et 65 du Code pénal, constitue un acte de complicité ; Que de ce qui précède, il convient de dire qu’il existe charges suffisantes contre Kanazoé Inoussa, non pas du chef de blanchiment de capitaux, mais plutôt du chef de complicité de blanchiment de capitaux… ». La suite se résume en une phrase : les juges ont estimé qu’il y a charge suffisante pour complicité contre celui que certains appellent, dans les couloirs de CIMFASO, le «grand patron».

Autre argumentaire. Cette fois, concernant les faits de faux en écritures de commerce : «Attendu que la technique utilisée par Kaboré Inoussa pour blanchir les capitaux au profit de son PCA en falsifiant les factures d’achat ne pouvait échapper à Kanazoé Inoussa ;  Que sa qualité de PCA de CIMFASO de même que celle d’actionnaire majoritaire de MIXTA Négoce suffisent pour conclure qu’il ordonnait de faire ou qu’il faisait semblant d’ignorer dans la mesure où c’est lui le principal bénéficiaire ; qu’en cette qualité, il ne pouvait bénéficier de ces sorties frauduleuses de sommes d’argent sans se soucier des actes de base qui lui permettaient d’engranger ces profits ; Qu’en lieux et places des faits de faux en écriture de commerce suivis contre lui, il y a lieux de dire que les charges qui pèsent contre lui sont suffisantes du chef de complicité de faux en écriture de commerce…». Et voilà ! Sur ce point précis également, la Cour de cassation a infirmé l’ordonnance du juge d’instruction.  

Kanazoé reste donc dans la nasse judiciaire. Mais pas seulement lui. L’affaire se déporte, petit à petit, vers le jugement. L’avant-dernier acte a été posé par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il ne reste que la programmation du procès. Et là, c’est au parquet général de jouer !

Par Hervé D’AFRICK

===========================================

Les acteurs

·        Inoussa Kanazoé : PCA de la société CIMFASO. Mandat de dépôt : 28 avril 2017 ; liberté provisoire sous caution : 23 mai 2017. Chefs d’accusation : complicité de faux en écriture de commerce et complicité de blanchiment de capitaux.

·        Inoussa Kaboré : Directeur général de la société CIMFASO. Mandat de dépôt : 24 avril 2017 ; liberté provisoire sous caution : 26 mai 2017. Chefs d’accusation : Faux et usage de faux en écriture commerce et blanchiment de capitaux.

·        Seydou Kaboré : gérant de la société Kanazoé et frères (SOKAF). Mandat de dépôt : 28 avril 2017 ; liberté provisoire sous caution : 26 mai 2017. Chef d’accusation : complicité d’usage frauduleux de numéros IFU.

·        Vincent Ilboudo : transitaire. Mandat de dépôt : 25 avril 2017 ; liberté provisoire sous caution : 26 mai 2017. Chef d’accusation : usage frauduleux de numéros IFU.

· Hermann Timbnoma Kaboré : déclarant en douanes. Mandat de dépôt : 25 avril 2017 ; liberté provisoire sous caution : 26 mai 2017. Chef d’accusation : usage de faux et blanchiment de capitaux.

·  Poco Tapsoba : gestionnaire à la société KANIS-International. Mandat de dépôt : 25 avril 2017 ; liberté provisoire sous caution : 26 mai 2017. Chef d’accusation :  Faux en écriture commerce

 


Ecrit par Courrier Confidentiel






ISCOM
Voeux CNSS
CNPNZ: Club de la presse